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La Loge d'Aymeric

Otello au TCE

7 Avril 2014, 14:06pm

Publié par La loge d'Aymeric

La date était marquée d'un trait rouge sur les agendas mélomaniens de Paris (avec le sublime concert de Kaufmann le lendemain), le retour-tant-attendu de Cécilia Bartoli dans un opéra mis en scène dans une salle parisienne. Plus de vingt ans depuis son dernier Cherubini à Bastille dans la mise en scène de Strehler.

 

Le choix de l'oeuvre est un peu dommage, j'ai trouvé l'oeuvre de Rossini un peu faible et trop peu consistente. Comme d'habitude chez lui, de très grands airs s'alternent avec des récitatifs bien ennuyants. Les chanteurs présents sont dans l'ensemble trop peu acteurs pour nous divertir tout à fait en dehors des grands airs. L'opera seria est à double tranchant, ici je n'ai pas particulièrement attaché. Le style permet cependant de superbes démonstrations de techniques.

 

Pourtant, les changements de dramaturgie par rapport à la version tellement plus connue de Verdi sont très intéressants. La jalousie et l'amour du couple est ici mis au second plan, préférant laisser la place à la situation du Maure à Venise. Elmiro, le père de Desdémone, l'accepte comme défenseur de Venise, mais ne le considère pas comme son égal et lui refuse la main de sa fille. L'Africain est donc regardé de haut par la Sérénissime. Rodrigo, fils du Doge, serait donc un meilleur mari. Mais Otello et Desdémonde se sont mariés en secret. S'ensuit la conspiration de Iago et la double mort.

 

Le racisme est donc l'enjeu majeur, comment un immigré africain pourrait-il briguer un mariage avec un des plus beaux partis de Venise? Même après l'intervention du Doge et la mort de Iago, Rodrigo et Elmiro frapperont le corps inerte d'Otello.

 

Ayant eu la chance d'assister à quelques répétitions, j'avais déjà pu voir les décors et voir le choix de mise en scène. De Venise, Leiser et Corier n'ont conservé qu'un lustre de Murano, le reste rappelle des appartements bourgeois, faisant presque référence, avec les costumes, à la mafia italienne des années 50. Le choix est efficace, rien de trop sobre ou de trop flamboyant, c'est d'un niveau juste pour convenir tout à fait à l'oeuvre. Ceci est suffisamment rare pour être souligné.

 

Le salon de l'acte I s'échappe sur une salle à manger luxueusement garnie où les convives s'installent laissant les solistes chanter dans une salle élégante et simple avec ses fournitures, ses miroirs et sa cheminée. La chambre de Desdémone est plutôt vétuste avec son grand lit et son mur en diagonale qui coupe l'espace. Enfin, le bar est vraisemblable et encombré comme il faut.

 

Si j'ai trouvé le public grossier lors de la première, huant la mise en scène et Spinosi, il est vrai que je n'ai pas trouvé le travail de l'Ensemble Matheus digne de ce que j'avais pu entendre ailleurs, notamment au Châtelet entre Rossini et Bellini. L'ouverture m'a particulièrement crispé avec des vents vraiment difficiles. Mais par la suite, le niveau est acceptable sans être ni exceptionnel ni déshonorant.

 

Dans les bonnes surprises, je note surtout le superbe Rodrigo d'Edgardo Rocha, sa voix est toujours juste et bien placée et ses différents airs sont particulièrement réussis. John Osborn réussit tant bien que mal à nous effrayer et atteint toutes ses capacités à travers l'opéra. J'ai bien aimé le personnage du père Elmiro, grande figure de patriarche intransigeant. Peter Kalman en a le physique et la voix.

 

Quant à Bartoli, mes attentes ont été comblées. Elle est d'une rigueur étonnante, elle n'a pas du tout l'aspect diva que l'on pourrait aisément lui prêter. Sa voix monte dans les aigus mais jamais dans le vulgaire. C'est une des seules à pouvoir doubler sa voix avec un certain talent d'actrice. Son air du saule est réellement émouvant. Moi qui pensait préférer l'air de la fin chez Verdi, je pense avoir changé d'avis. Enfin, son combat avec Otello est un des moments les plus forts de la soirée. Par amour, elle préfère qu'il la tue. Une superbe Bartoli qui m'a rappelé certaines figures mythiques des grandes divas qui ont déjà interprété ce rôle (Malibran, Viardot ou encore Callas).

Otello au TCE
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