Tartuffe à l'Odéon
Les critiques n'ont pas été tendres avec ce Tartuffe. C'est donc avec une certaine appréhension que je me rends (pour la première fois) aux Ateliers Berthier.
La mort de Patrice Chéreau a ému le monde artistique, mais a surtout chamboulé plusieurs projets, comme sa mise en scène de Comme il vous plaira à l’Odéon. Bondy a donc fait revenir in extremis sa production viennoise de Tartuffe, ici en version originale.
Chez Bondy, la sobriété et l'élégance sont souvent au rendez-vous. Pas d'exception ici avec cet intérieur bourgeois, un salon au plancher en damier, sur lequel se promènent les tables, les chaises et les personnages. Les rideaux s'ouvrent et se referment sur les côtés, les personnages absents viennent contempler depuis la loggia.
Le texte ne souffre pas d'un écart avec cette mise en scène quoique moderne mais pas choquante. Tout au plus une cassette enregistreuse vient perturber l'intrigue. Mais donc, pas de choc, pas d'étincelle, et je m'ennuie beaucoup pendant cette pièce. Croire que seuls les vers de Molière et le comique du texte peuvent sauver un spectacle, c'est un peu faible.
L'Orgon de Gilles Cohen n'en fait pas assez dans ce rôle multi-facette dont on pourrait tirer tellement plus qu'un maigre changement de position dans les derniers instants. Valère (Yannick Landrein) en fait quant à lui un peu trop, alors que son rôle est trop court.
Seule la Dorine de Lorella Cravotta m'extirpe de l'ennui lors de la première heure. Elle est bien placée et juste dans le rôle classique de la servante insubordonnée de Molière, qui se joue de son maîtres pour sauver sa maîtresse.
Clotilde Hesme joue la nouvelle femme dépressive qui traine toute la première partie en peignoir, avalant des cachets d’anti dépresseur. J’ai du mal à croire à sa métamorphose par la suite, mais elle se transforme en une superbe Elmire, attirante, calculatrice et vraisemblable.
Et finalement, je note la très belle prestation de Micha Lescot. Tant son physique que sa voix participent de son rôle de manipulateur dragueur dévot. Personnage sec, dont le marcel apparent sous la chemise laisse paraitre ses origines parvenues. On voit nettement sa transformation entre le personnage hypocrite et le véritable squatteur.
Mais dans l’ensemble, cette mise en scène manque de prise de position, de point de vue et de force. Les écueils de la pièce (comme ce deus ex machina final qui nous sauve de la tragédie) ressortent, entrainant des moments irréalistes, notamment les premiers et les derniers instants.
Seule la scène où Elmire se laisse séduire par Tartuffe est réellement un aboutissement théâtral, c’est un peu court, mais je m’en souviendrais !