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La Loge d'Aymeric

Artaserse de Vinci au TCE

16 Décembre 2012, 13:59pm

Publié par La loge d'Aymeric

Leonardo Vinci. Direction Musicale : Diego Fasolis ; Artaserse : Philippe Jaroussky ; Mandane : Max Emanuel Cencic ; Artabano : Daniel Behle ; Arbace : Franco Fagioli ; Semira : Valer Barna-Sabadus ; Megabise : Yuri Mynenko.

 

C’est très énervant une distribution parfaite, sur qui vais-je pouvoir abattre mes foudres ?

 

Jeudi soir, Artaserse de Leonardo Vinci, opéra sur un mythe perse. Le roi Xerxès est tué par Artabano qui fait porter le chapeau (et l’épée) à son fils Arbace. Artaserse a entre temps fait tuer son frère le pensant responsable. Arbace est enfermé, criant son innocence. Son père et Artaserse tentent tour à tour de le faire échapper. Mais il refuse voulant rester honnête. Il finit par s’échapper et réussit à renverser le projet de son père d’empoisonner Artaserse. Rajoutez y deux amantes et sœurs pour un peu de piment et voilà.

 

C’est mon premier concert avec autant de contre-ténors sur scène. Cela surprend toujours autant au début ce type de tessiture ! Surtout que la version concert ne permet pas le travestissement pour masquer le sexe des chanteurs. En pleine polémique sur le mariage pour tous, deux couples d’hommes se déclarent leur flamme au Théâtre des Champs-Elysées, dont le public est en majorité constitué de retraités de l’Ouest Parisien. Très bien. Passons.

 

http://www.mdt.co.uk/blog/wp-content/uploads/2012/09/VINCI-Artaserse.jpgC’est très frustrant d’ailleurs la version concert. Cela m’empêche certes de m’emporter contre un metteur en scène. Mais je préfère que cela reste le plus statique possible, avec au mieux quelques œillades, comme ce fut le cas pour Barbe Bleue ou Parzifal. Ici quelques minauderies, les chanteurs restent, partent, ont parfois des accessoires, amorçant un jeu d’acteur. Dans la dernière scène se développe un affreux jeu sur le poison. Cela fait rire mais c’est ridicule, et on ne se concentre plus sur la musique. Ultime regret de la version concert : les costumes. Entre le too much du smoking, la chemise noire ou violette ou la tunique incrustée de cristaux multicolores, les yeux étaient aussi occupés que les oreilles.

 

Le baroque c’est beau, c’est dense, c’est tout violoneux comme je l’aime. Quand les vents sont de la partie, c’est la fête. La musique sans évoluer beaucoup à travers l’œuvre, se densifie. A l’inverse des italiens du XIXème, la musique reste dans une sorte de canal, pas de violon solo, c’est forcément tous ensemble et padadadammmm. Pour les moments les plus émotionnels, Vinci préfère laisser quelques instants de silence.

 

Vinci était aimé pour la simplicité de son écriture musicale. Je ne boude pas mon plaisir : la musique se déguste comme du petit lait. Fasolis saute partout, accompagne tout son orchestre, joue lui-même parfois un peu de clavecin. Très en forme, il révèle une partition riche et colorée. Tout comme les chanteurs qui rivalisent entre eux pour la plus grosse ovation malgré des voix bien différentes.

 

http://www.classiquenews.com/images/articles/FAGIOLI_ARBACE_ARTASERSE_VINCI_Fagioli-Franco-01-1.jpgJaroussky est ce que j’en attendais, une voix claire, pure et limpide. La plus cristalline de celles rassemblées sur cette scène. Il joue un peu la star absente, ne revient pas saluer à l’entracte et s’éclipse après chaque acte. Mais l’humilité est une très belle vertu, que Fagioli ne connait pas trop. Il est bon et le sait. C’est véritablement la grosse star de la soirée ! Les Bravos fusent à chacun de ses passages. Son final du premier acte Vò solcas do un mar crudele, accompagné de vents très en forme, m’a laissé bouche bée par sa puissance et son lyrisme. Une ivresse qui a duré pour moi pendant les trois heures de cette représentation.

 

Cencic m’a un peu effrayé, mais sa voix est sans doute celle qui a le plus de nuances, parfait pour le rôle émouvant de Mandane. Behle, seul ténor présent a la voix des ténors mozartiens, bien profonde, et l'opposition avec le reste des chanteurs crée un très bel effet.

 

Si les duos n’existaient pas, il aurait fallu les inventer. Il faut attendre le troisième air pour enfin entendre un duo et le final pour entendre tous les chanteurs ensemble (dont Mégabine soudainement ressuscité des morts), un pur bijou et un des meilleurs concerts depuis le début de la saison!

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E
"l’humilité est une très belle vertu, que Fagioli ne connait pas trop." Ah bon ? Comment le savez-vous ? Vous le connaissez ? Le public venait pour lui, il a le rôle du "primo uomo", le plus<br /> spectaculaire et virtuose, il a été applaudi de manière délirante, le public et les critiques l'encensent (One God, One Fagioli ! ce n'est pas lui qui le dit !), il est jeune, il se donne sans<br /> compter, il aime la scène, on le sent visiblement heureux d'être là et de vous, nous donner à tous du bonheur et il faudrait qu'il joue les modestes et rase les murs ? Ah non alors ! La seule chose<br /> à lui souhaiter est que ce triomphe soudain ne lui monte pas trop à la tête. Pour moi, c'est un "grand chanteur" et c'est déjà beaucoup, pas "une grosse star" (on en a déjà, merci)et j'espère de<br /> tout coeur qu'il le restera.<br /> Buona fortuna Signor Fagioli !
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L
<br /> <br /> Ah mais ca n'avait rien contre lui! Je mettais cela en parallèle avec Jaroussky qui lui rasait en effet les murs en sortant. Le succès de Fagioli était tout à fait mérité et c'est surtout lui qui<br /> a enchanté ma soirée! J'essaierai d'aller le voir salle Gaveau le 10 Janvier. Que le talent se laisse applaudir c'est tout à fait normal.<br /> <br /> <br /> <br />
G
Et certainement le meilleur concert de la saison entière !!
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