Concert Wagner, Radio France, Pleyel
Bicentenaire de Richard Wagner, ca se fête ! Toutes les grandes salles ont déjà prévu des festivités pour célébrer un des compositeurs les plus géniaux du XIXème siècle. La Grande Boutique propose par exemple le Ring version Krämer (certains pourraient dire qu’il y a de meilleurs hommages), la Scala a vu les choses en plus grand, en ne donnant presque uniquement des Wagner et Verdi (l’autre bicentenaire de l’année) cette saison, en commençant par un Lohengrin exceptionnel.
Une ouverture chez Wagner laisse pressentir ce qui se déroulera par la suite dans l’œuvre, il semble donc logique de programmer en début d’année-hommage les grandes ouvertures de Wagner. La Philharmonique de Radio France a donc appelé son ancien directeur musical, Marek Janowski, pour diriger ces ouvertures et en y insérant certaines scènes entières des opéras, comme pour aller à l’essentiel de ce qu’est l’œuvre de Wagner, ou sinon pour laisser apercevoir au public ce qui les attend en 2013.
Personnellement, les ouvertures wagnériennes ont toujours été synonymes d’émotions fortes. Celle de Parsifal m’avait fait pleurer au Théâtre des Champs la saison dernière. Pour Tristan, c’est plus spécial, puisque c’est grâce au film de Lars von Trier, Melancholia, que j’ai pu la connaitre et l’apprécier. Tannhäuser rime avec mon plus beau succès de la saison dernière à Bastille. Enfin Lohengrin, c’est mon voyage à la Scala.
Mais revenons donc à cette superbe soirée à Pleyel qui n’a pas gâché les superbes souvenirs de mes soirées wagnériennes. La soirée commence par l’ouverture du Vaisseau Fantôme, opéra que je ne connais malheureusement pas, ayant eu la mauvaise idée de le louper à Bastille il y a deux ans. Janowski réussit à rassembler toutes les goutes d’eau que chaque instrument produit pour créer un vague dévastatrice et engloutir tout ce qui se met sur son passage. Les cors sont brillants et semblent prévenir ou appeler à l’aidé face au désastre qui arrive. Un semblant de temps breton finalement, puisqu’aux ravages de la mer succèdent des instants plus calmes voire ensoleillés. Le calme avant la tempête.
S’ensuit dans un style si différent mais tout aussi bien manié, le cristal de l’ouverture de Lohengrin. Des violons d’une beauté inouïe qui nous préviennent déjà de l’arrivée de cet être si pur et si merveilleux sur sa nacelle à cygne. Mais si délicat également et la musique laisse apparaître une fragilité exquise dont les musiciens semblent se jouer tant ils réussissent à la manier sans pour autant la briser. Bref un instant supebe !
Cette ouverture néanmoins, à l’inverse de certaines, ne parlent peut être pas assez de ce qui va suivre et apportent moins à la trame dramatique. Ainsi est joué également le moment sans doute la plus importante de l’opéra, les scènes 1 et 2 de l’acte III, là où Elsa et Lohengrin se retrouvent enfin seuls. Celle-ci ne peut néanmoins s’empêcher de le questionner sur son identité, ce qui finira par rompre l’équilibre mis en place par la venue de Lohengrin. A la suite de cette scène, tout est perdu.
Je n’ai pas été très convaincu de la prestation du chœur de Radio France, surtout en comparaison avec la qualité de la musique lors de la musique nuptiale, mais ce passage devenu maintenant si cliché de la musique du mariage est toujours très amusante.
Je peux me permettre le snobisme de dire qu’un mois avant, j’étais à la Scala avec Kaufmann et Ann Petersen dans les mêmes rôles, la barre était donc très haute. Mais Dasch et Gould n’ont pas pour autant démérité. Elle a une sensibilité qui a fait ressentir la douceur et la vulnérabilité d’Elsa, femme qui a souffert et qui aimerait ne plus avoir à souffrir. Sa voix est parfois engloutie dans la musique, comme si elle ne pouvait même pas lui résister malgré ses efforts désespérés. Lui m’a certes moins plu que Kaufmann, mais sa voix a su grimper jusqu’à mon deuxième balcon en même temps que la musique.
Arrive ensuite ma petite madeleine de la soirée, Tannhäuser. Ici en version Paris, qui s’ensuit avec la musique du Vénusberg. Apparemment écrite pour servir de support à un ballet. A l’époque il était en effet obligatoire d’avoir un ballet au sein d’un opéra pour que ces messieurs du Jockey Club puissent aller diner sans rien manquer de l’intrigue de l’opéra.
Les changements de partition ne m’ont pas choqué, à part éventuellement vers la fin. Cette partition est toujours aussi profonde, avec des airs mystiques du chœur des pèlerins, les airs plus païens du Vénusberg. De toute les ouvertures de Wagner que je connais, c’est peut être celle qui s’apparente le plus à celles qui ne sont que des pots pourris des airs connus de l’opéra. Mais pourtant elle garde la « magie Wagner » et m’impressionne toujours autant. Elle se finit avec le chœur de radio France, absent de la scène mais que l’on entend au loin, comme pour attirer le voyageur perdu.
Cette soirée se clôt avec le bijou qu’est le prélude de Tristan. Des tons apocalyptiques, angoissants parfois, mais d’une telle beauté qu’ils donnent envie de pleurer. Après des partitions bien différentes, Radio France sait à nouveau rapidement se réajuster pour nous livrer une interprétation superbe. S’ensuit ensuite la mort d’Isolde, chantée par Urmana, que je n’avais pas vu depuis La Force du Destin à Bastille. Sa voix claire, à la fois plein d’espérance et de peur est un régal qui m’émeut également beaucoup.
2013, année des anniversaires donc, qui s’est ouvert brillamment en ce qui concerne Wagner !