Retour à Garnier pour le premier épisode de Balanchine
Mercredi 26 Septembre ; Sérénade : Eleonora Abbagnato, Myriam Ould Braham, Mathilde Froustey, Florian Magnenet, Pierre Arthur Raveau. Agon : Eve Grinztajn, Stéphane Bullion, Muriel Zusperreguy, Mélanie Hurel, Karl Paquette, Nolwenn Daniel, Christophe Duquenne, Stéphane Phavorin. Le Fils Prodigue : Agnès Letestu, Emmanuel Thibault.
Folie de la rentrée, attendue tout l'été non tant pour sa représentation en soi mais pour le retour à Garnier qu'elle symbolise: la soirée Balanchine et ses distributions intéressantes. Après une erreur de billet le jour de la première, je me rends donc en fond de loge le 26, qui se convertit rapidement en deuxième rang de loge grâce à trois petits enfants désirant être à coté au premier rang.
Sachant que j'avais plusieurs distributions, je m’étais donné comme but de savourer le défilé et de découvrir les différentes chorégraphies. Pour ce dernier point, un bilan ultra mitigé, j'ai découvert vraiment toute la variété de Mr B que je ne supposais pas aussi large.
Commençons par le commencement: le défilé. Mythique! La scène ouverte jusqu’ au somptueux foyer de la danse où tous les défilants en attente se serrent pour voir quelque chose sans être vus. Puis la plus jeune des petits rats se lève sur la marche troyenne suivi des filles de l'école de danse puis du corps de ballet. Les premières danseuses escortent les étoiles resplendissantes dans leur ordre de nomination. Garnier souhaitait que les femmes soient des bijoux dans l'écrin qu'était la salle de l'Opéra. Cette fois, les bijoux se trouvent sur la scène et nous illuminent. Les hommes ensuite, plus sobre mais tout aussi imposant. C'est une démonstration de défense de la tradition, de respect de la hiérarchie en donnant une place à chacun sur la scène. Certes cela n'a rien à voir avec le défilé de la Royal Ballet School ultra énergétique vu ici, mais les deux compagnies ne défendent pas le même patrimoine.
Les applaudissements fonctionnent à l'applaudimètre, Leriche, Letestu, Dupond, Ganio et MOB forment le top cinq. D'autres reçoivent certes un moins bon accueil. Un instant magique qui aboutit à ça une fois que la plus vieille des étoiles hommes, Leriche, appelle tout le monde à le rejoindre:
Une fois l'adrénaline, le sourire béat et le regret de ne pas avoir vu Ciaravola ou Gilbert défiler passés, place donc au programme Balanchine.
Je connaissais peu de choses du chorégraphe, et je pensais que cela formait toute son œuvre. La première pièce, Sérénade, s'est tout de suite rattachée à ce que j'en connaissais. Balanchine le géomètre du corps de ballet. Des lignes, des diagonales, des ensembles taillés au millimètre. Si une forme se brise, c'est pour en créer une plus précise. Tout le monde court pour arriver à la prochaine position. Toujours le même problème pour le corps de ballet qui reste un peu froid et peu naturel: Libérez vous!
Les moments des solistes sont délicieux en revanche. Après une peur aussi bleue que le bleu costume de Magnent de ne plus la voir jamais danser à Paris, Abbagnato est bien de retour et semble régner sur l'œuvre (ou au moins sur Florian) avec sa grande taille, ses cheveux blonds brillants. Le trio Raveau, Froustey, Ould Braham est charmant, sensuel, attentionné. Raveau domine, il a sa place même au milieu de tant de talents plus âgés que lui. Froustey et MOB sont un peu le jour et la nuit, la blonde, la brune, des retenues et des élans d'énergie et de sensualité très differents. Mais les deux semblent adorer ce qu'elles font, lui donnent un sens.
Faussement sans histoire, sur Tchaïkovski, avec beaucoup de bleu pour les costumes et le fond et des pas reconnus: voilà ce que j'attendais de Balanchine.
En face, Agon en noir et blanc (toujours sur fond bleu, aie les yeux) sur du Stravinsky, quel rapport avec Balanchine? Et le Fils Prodigue avec ses décors et costumes si kitsch so ballets russes et sa trame narrative? Je n'avais en fait pas compris à quel point les œuvres d'un chorégraphe pouvaient être différentes.
Balanchine a commencé dans les ballets russes de Diaghilev, il est donc normal de passer le Fils Prodigue, une de ses premières œuvres. Alors ca fait vieillot, et j'ai eu très peur de revoir le mauvais Phèdre de la saison dernière. Mais les ports de tète altiers de Letestu, sa majesté, son sourire et cette tenue! Ce qu'elle fait avec sa longue cape qui ne semblait que pouvoir lui nuire, je trouve ca si ingénieux et même parfois beau. En face il y a Thibault, le mauvais fils qui part de chez son père avec des amis, se fait dépouiller, boit, se fait draguer par Agnès et finit en caleçon sans rien. De la pitié ou pas?
En fait tout me semble trop long dans ce ballet. Comme dans Phèdre, une éternité pour arriver à une pose ou une finalité. Mais ici je comprends l'intention des danseurs et de leurs gestes et j'accepte de subir des moments un peu longs. Ainsi la première partie de la lamentation finale dans l'obscurité m'inspire presque de la pitié, au moins pour les pauvres genoux de Thibault sur lesquels il se traine. Mais ensuite, rien de très neuf quand il se rapproche de sa famille. Tous restent inertes autour de lui et ca devient un peu long. L'instant final quand il s'accroche au cou de son père ressemble néanmoins quelque chose. Tout ce ballet est constitué de hauts et de bas en fait. Le pas de deux ressemble tantôt à de la gymnastique tantôt à de la danse violente et sensuelle. Je ne reste pas fan de tous les gestes mais ce Fils est moins pire que ce que j'en avais entendu.
Et enfin il y a Agon, qu'en dire? La pièce qui m’a laissé le plus perplexe. Pendant la première moitié je suis resté ébahi à essayer de comprendre. Une musique dissonante, des pas de deux et de trois sans rapports et sans fil conducteur malgré ce que Balanchine essaie de nous faire croire en replaçant les danseurs à la fin tel qu'ils étaient au début. Qu'est ce que j'en garde? Un pas de deux Eve-Bullion très intéressant, une danse sur une musique de percussion. Paquette effectue des pas comme dans le pas de deux Arepo avec ses talons. Mais la musique est très difficile à saisir, si differente de la douce et mélodieuse Sérénade de Tchaïkovski. J'en garde surtout une folle envie de revoir ce ballet pour mieux le saisir, ou le comprendre tout court. Il y a quelque chose dans ce mélange, c'est certain, mais quoi? To be continued donc, le 3 Octobre, avec en autres MOB et Ganio.