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La Loge d'Aymeric

Notre Dame de Paris, Roland Petit

14 Juillet 2014, 22:08pm

Publié par La loge d'Aymeric

Mythique Notre Dame, ballet qui a réussi l'incroyable pari de survivre cinquante ans de répertoire. Si la première représentation (30 juin) étonne, avec une oeuvre plutôt datée, les deux dernières (11 et 15 juillet) finissent par laisser voir un spectacle dynamique et fort.

Dans une certaine continuité artistique des ballets russes, Petit avait rassemblé les artistes de son temps pour servir son spectacle: Yves Saint Laurent et Maurice Jarre pour les costumes et la musique, sur une dramaturgie inspirée de Victor Hugo. Le drame est resserré à quatre personnages, Esmeralda, Quasimodo, Frollo et Phoebus, et limité à quelques tableaux.

Si Quasimodo/Esmeralda parait être le couple principal, c'est finalement Frollo qui m'a paru être le personnage central. Le ballet pivote autour de son approche psychologique, comme le montre le pas de trois Phoebus-Esmeralda-Frollo. François Alu a très bien compris l'aspect machiavélique, froid et possédé de l'archidiacre, là où Hoffalt est dans un registre bien différent: moins violent, plus torturé. L'étoile est décidément bien en forme, après un danseur brun de Robbins réussi. Alu réussit quant à lui à changer de répertoire. D'idole dorée et d'Oiseau bleu, il est maintenant passé à des rôles plus conséquents, de Bryaxis (Millepied) à ce Frollo. Bientôt des princes la saison prochaine?

La femme fatale, si habituelle chez Petit, patine à trouver une interprète parfaite, si l'on veut être perfectionniste. En additionnant Abbagnato et Albisson, on aboutissait à l'Esmeralda impeccable. Peut-être Alice Renavand ou Ludmila Pagliero ont-elles réussi à atteindre cet équilibre. Abbagnato avait cette fougue italienne qui lui a valu sa nomination sur Carmen et cet aspect mangeuse d'homme qui marque tant dans son Jeune homme et la mort. Mais Albisson avait pour elle la technique impeccable de l'École française, des arabesques et des pointes parfaites, un regard parfois malicieux, mais trop peu de fougue. Elle reste toutefois plus moelleuse que dans le passé.

À défaut d'une bohémienne, Amandine Albisson nous rappelle que le personnage littéraire d'Hugo n'est pas né dans un campement mais dans une famille française que je m'amuserais à imaginer noble. Au milieu de la laideur de Quasimodo, une Sylphide s'enfuit sur les toits parisiens, pour le plus grand bonheur du public.

Les médias nous avaient bassiné sur le dernier rôle de Le Riche comme danseur étoile de l'Opéra et j'ai été un peu déçu du personnage de Quasimodo: théâtrale dans la première partie, il danse un pas de deux attendrissant dans la seconde. C'est avant tout un rôle de caractère, chose difficile et qui n'est pas possible pour tous. Karl Paquette peine à effrayer et, derrière le maquillage, on voit encore le prince inconditionnel de Noureev. Nicolas Le Riche a déjà un physique moins noble, ce qui est plus facile pour s'insérer dans le bossu. Paquette, plus solaire, réussit le jeu du bossu joyeux de trouver une amie et il sourit aux anges devant la belle Amandine. Le Riche semble apeuré jusqu’aux derniers instants et réellement furieux dans la dernière scène, alors que Paquette semblait désespéré. Deux jolies facettes du rôle.

Mais finalement, le rôle le plus difficile est sans doute celui de Phoebus. A lui seul, il montre l’âge du ballet : cheveux doré, costume à la Mondrian (la même année, YSL signe sa fameuse robe), cape et posture à la Superman. Magnenet m’a rappelé ses rôles où il me faisait justement penser à Superman, dans le too much. De beaux mouvements, mais il est trop peu impliqué dans son partenariat pourtant décisif avec Abbagnato. Fabien Révillion réussit mieux à doser le personnage, toujours un sourire Colgate (obligatoire), mais il clôt le trio Esmeralda-Phoebus-Frollo avec brio. Ses lignes sont élégantes et il s’affiche de nouveau comme un des plus prometteurs de sa génération.

Les décors, la musique, les costumes et la chorégraphie de Notre Dame laissent de prime abord béat. Je pensais même aux films de Fritz Lang ou encore au Phèdre de Lifar. A l’inverse du Rendez-vous et du Jeune Homme, qui restent intemporels, la chorégraphie est, comme celle du Loup, marquée par le temps. Une gestuelle expressionniste, qui manque parfois d’être plus directe, mais qui réussit à rester émouvante et à nous raconter une histoire.

Notre Dame de Paris, Roland Petit
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