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La Loge d'Aymeric

Les fleurs chinoises embaument Paris

12 Février 2013, 13:22pm

Publié par La loge d'Aymeric

Le Pavillon aux Pivoines
Date: 10 février 2013
Lieu: Théâtre du Châtelet 
Distribution: Direction artistique/ Du Liniang: Tamasaburo Bando; Liu Mengmei: Yu Kiu Lin

 

Opéra en chinois, ca pourrait en effrayer plus d'un....

 

Si je range cet article dans la section opéra, il faut bien comprendre qu'il ne se rattache qu'en bien peu de points au style "occidental" de l'opéra, si je peux m exprimer ainsi. Le pavillon des pivoines est un opéra monumental de 55 actes, ici simplifié en neuf, qui mélange esthétisme, musique, chant et danse pour créer un ensemble riche et très spécial.

 

Les actes choisis créent une trame narrative assez simple. Liniang se promène avec sa suivante dans le jardin fleuri au printemps et s'extasie devant les fleurs. Fatiguée, elle rentre se reposer dans sa chambre. Le dieu des rêves l'endort alors et elle commence à rêver d'un jeune homme, Mengmei, qui l'emporte dans le jardin pour l'embrasser et la caresser. Elle se réveille ensuite éperdument amoureuse. Elle dessine son visage accompagnée d'un poème. Nous retrouvons ensuite une religieuse qui raconte son histoire (belle mais stérile elle n'a pas contenté son mari et a du se mettre au couvent) puis est demandée chez les Du pour soigner Liniang qui se meurt. En plein automne effectivement la jeune fille dépérit d'amour et demande à être enterrée sous le prunier alors que son poème et portait doivent être enterrés prés d'un pavillon. La jeune fille se retrouve ensuite aux enfers où elle plaide sa cause auprès d'une divinité un peu lubrique (on parle ouvertement de sexe dans cet opéra) pour retrouver son amant. Quelques temps plus tard, Mengmei découvre le poème et invoque la jeune femme qui finit par arriver, mais ce n'est qu'un spectre venu des enfers. Grâce à la nonne, la jeune fille est finalement ressuscitée et unie avec son amant.

 http://www.francetv.fr/culturebox/sites/default/files/styles/article_view_full_main_image/public/assets/images/2013/01/pavillonauxpivoines-680.jpg

La grande figure qui anime ce cycle asiatique au Chatelet, constitué en plus de trois solos de danse kabuki qui ont rapidement affiché complet, est la figure de Tamasaburo Bando, véritable icône vivante japonaise, intronisé trésor national au Japon. Sa spécialité est de jouer les jeunes femmes dans les spectacles kabuki, malgré son grand âge (62 ans). Pour comprendre la complexité de cet art théâtral, il faut comprendre que Bando a du se faire adopter par une des grandes familles de kabuki pour pouvoir prétendre aux grands rôles de soliste. Son expressivité, sa voix d'un aigu frappant, le raffinement de ses costumes et de son maquillage: tout penchait ici vers la féminité et sans être averti, il était difficile de deviner l'homme derrière la fragile Liniang.

 

Ce qui m’a le plus frappé dans cette œuvre, habitudes balletomanes obligent, est l'impression que tout est soigneusement chorégraphié. Avec les chaussures très spéciales que chacun porte, j'ai l'impression que les chanteurs volent sur scène. Toutes les arrivés sur scène sont soigneusement organisées, comme les déplacements et les interactions. Pas de problème de direction des acteurs puisque chacun sait exactement ce qu'il doit faire. A tel point peut-être qu'il peut être difficile de réagir s'il y a un problème, comme quand deux danseurs se heurtent lors de la dernière scène.

 

Les costumes, le maquillage et les quelques décors ont également contribué à un spectacle réussi. Tamasaburo change ici de tenue à chaque tenue, rivalisant de raffinement, de couleurs et de complications. Les maquillages permettent de créer des visages en noir et blanc, très expressifs pour certains, plus figés pour d'autres. Les décors contribuent à l'idée de fleurs, de jardins que l'on n’oublie jamais puisqu’un grand tapis fleuri est étendu pendant les trois heures sur la scène.

 

Les fleurs en effet sont le pivot de l'œuvre, du titre à l’ensemble de son déroulement. C'est dans un jardin que Liniang a le songe de Mengmei (nom qui signifie le saule et le prunier) lors du printemps, et cette image des fleurs reviendra pendant tout l'opéra. Lininang elle même est une femme fleur, mais bien loin de celles de Wagner ou de Proust, qui vit et se réjouit au printemps, dépérit et meurt à l'automne pour ressusciter au printemps suivant. Toute faible, fragile. Sa suivante réalise qu'elle mincit subitement après sa promenade épuisante dans le jardin. Cette promenade est une sorte d’enchantement : la jeune fille s'affine pour devenir plus florale à l'époque où les fleurs poussent et s'embellissent.

 http://www.lefigaro.fr/medias/2013/02/05/33da8632-6bbc-11e2-84d6-2dd0c64b2cb4-493x328.jpg

La musique me rappelle celle de Kaguyahime, œuvre pourtant japonaise, avec entre autre un orgue à bouche et un dizi (flûte traversière). Une grande nouveauté néanmoins avec les percussions chinoises, cloches et gongs en tout genre. Une musique très raffinée comme le reste du spectacle, tout comme un occidental s'imagine la musique chinoise: beaucoup d'instruments à cordes (cithare, luth, violons) pour une musique harmonique.

 

En ce qui concerne le chant, la partie la plus spéciale de ce spectacle, il est difficile pour une oreille peu habituée à ce style de s'exprimer. Il a fallu une bonne demi-heure pour s'habituer à ces sons qui paraissent un peu stridents (voire trop aigus) et ne semblent pas beaucoup évoluer. J'ai eu bien peur de m'ennuyer au début. Mais j'ai réussi à m'habituer pour découvrir toujours plus de finesse, à défaut certes d'émotion. La langue chinoise réussit donc à me séduire lors des chants, mais elle m’ennuie parfois un peu lors de récitatifs un peu trop longs.

 

Les trois heures m’ont donc permis de comprendre comment apprécier ce style de spectacle, entre émerveillement et l'intérêt. Peut être n'aurais-je pas pu écouter cela pendant des heures, mais j'ai pu découvrir un tout nouveau genre

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