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La Loge d'Aymeric

The Rape of Lucretia de Benjamin Britten

19 Janvier 2014, 16:46pm

Publié par Aymeric

Théâtre de l’Athénée
17 janvier 2013

Mise en scène : Stephen Taylor ; Direction Musicale : Maxime Pascal ; Atelier Lyrique de l’Opéra de Paris

 

Leur récital permettait, comme dans un autre registre le spectacle annuel de l'école de danse, de se rendre compte du talent des jeunes chanteurs de leur formation, que le public parisien a parfois l'occasion d'entendre dans des rôles secondaires dans des les productions de l'Opéra. Ainsi d'Elodie Hache en sacerdoce dans le récent Aida. Les voir dans un véritable opéra mis en scène tenant l'ensemble des rôles nous donne un nouvel aperçu, plus global dans la perspective de devenir un jour un premier soliste.

 

J'avais déjà entendu l'Atelier Lyrique dans La Finta Giardiniera à la MC93 de Bobigny, si les solistes m’avaient plu, l'œuvre m’avait un peu ennuyé. Double découverte vendredi soir, avec notamment Britten dont c'est d'ailleurs le centenaire et les nouveaux membres de la formation lyrique.

 

Comme me l'avait dit Hugo à l'époque, la musique de Britten raisonnait dans celle de George Benjamin dans son superbe Written on Skin, une modernité affirmée qui ne rompt pas avec ces prédécesseurs et reste audible et accessible. La direction de Maxime Pascal, le jeune chef d'orchestre de la compagnie Le Balcon, dirige l'ensemble de façon pointilleuse et avec un investissement que j'avais déjà remarqué lors de la soirée sur Pierrot Lunaire. Je trouve notamment l'utilisation des vents superbes.

 

L'histoire de Lucrèce est plutôt connue: alors que le roi étrusque Tarquin le superbe gouverne Rome, son fils Tarquinius transforme la ville en son bordel personnel. Au milieu de ce Sodome romain, la chaste Lucrèce reste seule fidele à son mari. Tarquinius est attiré par cette chaste Diane et la violera. Honteuse elle se suicidera, entrainant alors une révolte qui entrainera la chute des rois étrusques et l'avènement de la république.

 

Le politique est plutôt mise de coté dans l'œuvre et à peine entends-je Junius, ami de Collatinus, proclamait la fin des Étrusques. La courte scène où l'on voit les romains se plaindre de l'état de ville, ainsi que celles où les deux choristes-narrateurs racontent l'aspect historiques, s'effacent devant ce qui prime: la tension triangulaire qui existe entre Collatinus, Lucrèce et Tarquinius.

 

Les deux choristes encadrent l'histoire et nous la racontent, les autres chanteurs servant parfois simplement de pantins muets entre leurs mains. Elodie Hache a parfois peur de ce qu'elle raconte ; Kevin Amiel, semble lui dire qu'elle n'a pas le choix, que c'est l'histoire et qu'elle ne peut intervenir. Leurs habits d'officiers britanniques avec leurs dossiers rappellent les renseignements généraux, qui auraient retrouvés un rapport classé sur une histoire passée pendant une des guerres du XXe siècle. Je leur ai trouvé beaucoup de sensibilité et de réalisme dans leurs voix.

 

Les trois femmes présentes chez Lucrèce (elle-même, sa vieille bonne et sa pupille, la charmante Lucia), symbolisent les trois âges de la vie, tous avec leurs qualités, leurs défauts mais cette même peur du mâle non civilisés qu'est Tarquinius. Le moment que je trouve donc le plus intense dramatiquement est donc celui qui précède la nuit ou chacune souhaite bonne nuit au Prince de Rome, l’imposant Vladimir Kapshuk. La musique y est tragique, annonçant déjà la fin, que chacun connait.

 

Le reste de l'œuvre ne sera qu’un déroulement de ce que le spectateur attend, la tension diminue, le piano apparait pour quelques moments plus récitatifs ou en tout cas moins forts. La scène du viol reste forte, les voix de Kapshuk et d’Extrémo en Lucrèce se mêlent sur le fond musical tragique.

 

Les trois hommes du premier acte peignent différents états de l'homme en société: le guerrier rustre, l'homme sage qui accomplit son devoir d'Etat et celui d’homme victime, profiteur et faible. La musique qui les accompagne décrit très bien leur univers de caserne: malsain, sale et conflictuel. La tension commence à se construire dès les premières notes.

 

Trois femmes, trois hommes, sainte trinité que cet opéra ou le sacrifice de Lucrèce permet, comme celui de Galahaad et du Christ, la sauvegarde de son monde et un bouleversement considérable. Je n'ai pas tout a fait saisi toutes les références christiques de l'œuvre. Ce long solo des dernières minutes, alors que la révolution prend forme, sur le Christ vient apporter une nouvelle dimension religieuse, qui n'est peut-être pas suffisamment marquée par la mise en scène. Le reste de l’intrigue se détache pourtant très bien.

 

La mise en scène ne prend d'ailleurs pas parti sur la question principale: Lucrèce est-elle chaste car enfermée dans le cube à verrous qui lui sert de maison, ou l'est-elle réellement ? Elle lutte effectivement contre Tarquinius, elle a peur. Mais est-ce une peur d'approcher du désir qui la tient ou une virulente opposition? Plus je la fixais et moins je réussissais à me faire une opinion claire. Misons donc sur ce que marque Britten, not all women are whores, mais Lucrèce est bien un idéal qui, touchant terre, n'a pas pu survivre, un Lohengrin sali par l'humanité.

 

L’Atelier Lyrique, Le Balcon et Stephen Taylor nous proposent un opéra de chambre dans sa juste dimension, dont les tensions sont palpables à travers les deux actes.

The Rape of Lucretia de Benjamin Britten
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